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mpOC | Posté le 6 septembre 2019
Billet bimestriel - été 2019
L’accumulation de faits commence à convaincre même les plus sceptiques : les excès du productivisme font sentir leurs effets dans nos vies quotidiennes. Le changement climatique, la disparition d’espèces vivantes, toujours plus nombreuses et plus proches, inquiètent tous ceux qui ne s’enferment pas dans le déni. Les médias, même les plus traditionnels, répercutent les cris d’alarme et de colère, notamment des jeunes. Les scientifiques et penseurs sont unanimes : si nous voulons nous en sortir
tous et dignement, il faut changer nos modes vie, c’est-à-dire nous engager collectivement sur les voies proposées depuis longtemps par les décroissants.
« Notre maison brûle
et nous regardons ailleurs »
Panique chez les défenseurs du productivisme : la petite minorité qui domine nos sociétés et ne vit que pour accumuler des profits monétaires insensés ne va pas accepter de perdre son pouvoir. Elle développe, via ses relais politiques et médiatiques, une contre-attaque basée sur la défense de « la liberté ». Normal, direz-vous, pour ceux qui se réclament du néolibéralisme. Et pourtant, il devient de plus en plus évident que cette liberté affichée n’est qu’un leurre : jamais peut-être, le grand nombre n’a été aussi peu libre. Un conformisme soigneusement distillé ne laisse qu’une seule liberté : consommer ce que l’on veut vous imposer et qui est pourtant réservé aux plus fortunés.
Face à cette liberté du loup libre dans la bergerie libre, beaucoup commencent à fuir le fantôme de la liberté et s’écartent des ornières du consumérisme. Mais si l’on veut répondre aux urgences vitales, il faut que tous adoptent des comportements moins destructeurs. Les responsables politiques devraient dès lors prendre des mesures, incitatives ou dissuasives, qui poussent chacun à respecter les indispensables liens qui nous unissent à nos semblables et au milieu naturel et qui permettent une vie digne. Et c’est là que les productivistes ressortent l’argument fallacieux de la liberté. « Écologie punitive », « dictature verte » : les formules déplacées font florès dès que l’on propose des règles un peu à même de préserver l’avenir.
La conception de la liberté portée par les opposants à toute règle destinée à modérer le productivisme se base sur l’hyper-individualisme moderne : les libertariens ne veulent être empêchés de rien, toute limite leur paraît insupportable et ils semblent incapables de concevoir que leur liberté doit s’arrêter là où elle nuit à autrui. S’ils ne réclament pas encore la liberté de rouler à gauche quand tout le monde roule à droite, ils souhaitent abolir tout ce qui attache l’humain à ses origines naturelles. Grâce à des technologies souvent mutilantes, on voit se créer de nouveaux marchés, très rémunérateurs pour leurs promoteurs. Pour satisfaire les fantasmes des hyper-privilégiés, ceux qui se veulent les maîtres du monde dirigent l’ensemble de l’humanité vers la folie transhumaniste qui entend détruire les cultures patiemment élaborées depuis des millénaires.
A contrario, la sagesse conduit à considérer qu’on ne peut pas être vraiment libre sans un minimum de conditions pour jouir de cette liberté : un environnement sain, un accès effectif à la santé, à l’éducation, au logement et à la nourriture sont des préalables à la capacité pour tous de faire de réels choix de vie, individuels mais tenant compte des autres, de la collectivité sans laquelle n’est possible aucun des
fantasmes de toute puissance infantile des consommateurs compulsifs. Les autorisera-t-on indéfiniment à tout détruire pour qu’ils satisfassent leur goût du luxe et leurs désirs d’enfant gâtés ?
Même la submersion de Venise n’arrête pas la frénésie d’achats
Alain Adriaens
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