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On nous dit : « Les banques créent l’argent qu’elles prêtent, quel scandale ! »

mpOC | Posté le 31 janvier 2012

C’est une légende qui court les rues et que laissent courir les banquiers et les économistes « patentés » qui prétendent que « les crédits font les dépôts ». Certains citoyens se donnent pour mission de dénoncer un scandale voire un complot en prétendant que les banques touchent des intérêts sur de la monnaie qu’elles créent « ex nihilo » (à partir de rien), d’un coup de baguette magique, d’un simple jeu d’écriture comptable et autres variantes sur le même thème.

Mais le scandale n’est pas là où on voudrait le mettre. En effet, les financiers et leur « science » économique mettent tout leur art au service du désordre établi pour donner bonne conscience au « bon père de famille » en lui faisant croire que l’argent prêté par les banques ne proviendrait pas de son épargne à lui, mais serait créé « ex nihilo » à la seule demande de l’emprunteur. « Ouf ! se dit l’épargnant, je ne suis en rien responsable de ces emprunteurs irresponsables et spéculateurs seuls cause de tous les maux. » Malheureusement, cette légende est contredite par les faits et les épargnants ont aussi leur part de responsabilité.

Pour réfuter rapidement cette prétendue création monétaire « ex nihilo », remarquons qu’une banque n’aurait jamais de problème de liquidité ni de solvabilité, ne pourrait jamais tomber en faillite si tel était le cas. Elle n’aurait alors qu’à créer « ex nihilo » autant de monnaie que nécessaire, ce qu’elle ne peut évidemment pas faire.

Pour aller plus loin, il y a confusion entre langage comptable et langages économique et juridique. Une écriture comptable dans une banque n’est pas création par elle-même, elle n’est que l’inscription, la trace d’un transfert d’argent, elle ne peut que constater un flux monétaire. Un comptable sait bien qu’il ne crée rien quand il inscrit dans les livres comptables un crédit, un paiement, une facture ou une autre opération. La comptabilité, c’est la trace, l’enregistrement, la mémoire des opérations seule réalité économique observable.

Quand une banque prête de l’argent, elle inscrit dans ses livres comptables le contrat de prêt qui stipule un transfert d’argent et son remboursement avec intérêts. La banque promet de fournir l’argent à la demande, mais elle n’a pas le pouvoir de créer cet argent ; elle doit le trouver ailleurs : auprès des déposants, épargnants, des marchés financiers voire de la banque centrale « prêteur en dernier ressort ». Les marchés financiers eux-mêmes sont alimentés entre autres par les fonds de pension, assurance-vie et aussi des fonds spéculatifs. Bref, l’argent déposé auprès des banques et assureurs - comptes à vue, épargne, assurances-vie, pensions complémentaires... - alimente de fait les prêts accordés par la banque.

Il n’y a aucun scandale de prétendue création monétaire « ex nihilo ». C’est une des fonctions d’une banque de récolter l’épargne en vue de la prêter. Quand les « bons pères de famille » déposent leur argent à la banque ou alimentent leur pension complémentaire, ils ont l’impression que l’argent qu’ils prêtent est le leur. Mais les épargnants oublient qu’ils prêtent cet argent à la banque ou la compagnie d’assurance qui ne leur donnent en échange qu’une reconnaissance de dette, une simple promesse de fournir l’argent à la demande, promesse qui peut s’avérer être mensongère.

C’est comparable au propriétaire d’un logement payé par un emprunt hypothécaire qui a le sentiment que c’est son logement bien à lui, mais oublie que sa propriété est hypothéquée et sera saisie s’il ne parvient pas à payer les traites de son emprunt hypothécaire.

Et les partis dits « de pouvoir » ainsi que les syndicats laissent les épargnants dans l’ignorance, sans doute pour ne pas effaroucher ces « bons pères de famille » qui se trouvent aussi être leurs électeurs et affiliés. Mesdames, messieurs les politicien-ne-s et syndicalistes, c’est bien beau de dénoncer les politiques d’austérité, mais n’oubliez pas votre devoir d’informer vos électeurs et affilés épargnants qui donnent de fait un mandat aux marchés financiers pour s’étrangler eux-même ou leurs enfants. Il y a un gros travail d’éducation populaire car il ressort d’une enquête menée à la demande de la banque Triodos que « La moitié des Belges seulement sait que son épargne ne reste pas dans les coffres de sa banque ». Avec des épargnants aussi ignorants, les bancassureurs n’ont pas trop de soucis à se faire, ils vont pouvoir continuer tranquillement à spéculer en toute légalité sur le pétrole, les matières alimentaires, la faillite de la Grèce et autres joyeusetés. Tant que les « bons pères de famille » ne désarment pas la finance, celle-ci continuera de menacer les élus de ruiner les épargnants qui se trouvent être leurs électeurs.

Jean-Christophe Godart

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